Paris 2024 : le Jeux Olympiques, événement international, se dérouleront à Paris. Au moment où cet article est rédigé, 101 jours exactement nous séparent des festivités. Nous allons nous intéresser à l’une des composantes de cet événement : les mascottes. Un détail ? Oui, mais celui-ci a fait couler beaucoup d’encre (ou fait s’agiter de nombreux doigts sur les claviers) et nous allons essayer de comprendre pourquoi.
Comprendre ce qu’est un symbole : définition
Comme toujours nous allons commencer par le début, à savoir partir de la définition des termes choisis.
Définition de Mascotte : « Animal, personne ou objet considérés comme portant bonheur. »
Dans le contexte des JO, la mascotte doit incarne de nombreuses valeurs :
- le pays : son peuple, sa culture
- l’événement à l’instant T « JO Paris 2024 »
- les valeurs connexes : sport, paralympique, JO (cercles de couleur)
Voici le catalogue des mascottes des précédents JO, chacune a une raison d’être, tout est savamment pensé :
- le type d’accessoire, de tenue
- le choix des couleurs et de leur symbolique
- la sélection du personnage (un animal, un objet…) et de son nom
Rien n’est laissé au hasard, prenons Bing Dwen Dwen, la mascotte des JO d’hiver de Beijing, qui avait remporté un franc succès auprès de la population chinoise. 5800 propositions analysées, des experts sollicités pour le choix final, on comprend donc que cette mascotte, souvent enfantine n’est pas un simple détail…
La mascotte doit remporter l’adhésion du public, et toutes les conditions doivent être réunies pour cela. Les Phryges remplissent-elles ce « cahier des charges » ?
Qu’est-ce que le bonnet phrygien ?
C’est le second terme auquel nous allons nous intéresser car c’est précisément cet objet qui a été choisi pour incarner la mascotte des JO Paris 2024.
Le bonnet phrygien date de l’antiquité, ses histoires successives lui confèrent des symboliques fortes. La France a fait de cet objet le symbole de la république, de la liberté et finalement, de la France et des français ! Mais cette histoire est-elle aussi évidente pour le reste du monde ?
Mascotte JO Paris 2024 : dé-construction du sens
Nous allons tenter de comprendre pourquoi l’interprétation de cette mascotte n’a pas été celle initialement voulue par ses créateurs. La sémiologie a pour mission (parmi tant d’autres) d’éviter de se retrouver dans ce genre de situation, celle où il devient urgent de justifier ses choix vis-à-vis de sa cible.
Un message bien construit n’a pas à être justifié, dans le cas contraire c’est qu’il y a des incohérences ou des composants de votre message qui ne sont pas cohérents ou adaptés.
L’idée n’est pas de juger ou prendre parti mais de faire quelques constats qui permettront de mieux comprendre l’importance d’un discours bien construit, et ce, sur l’ensemble des strates qui le composent.
Naissance d’une polémique
Voici quelques une des remarques/réactions observées lors de la présentation des mascottes « Phryge olympique » et « Phryge paralympique ». Elles portent sur différents éléments :
- Choix sémantique ou terminologique : la complexité du mot PHRYGE : prononciation, écriture… Nous sommes sur un événement international, ces éléments ont une importance pour faciliter la diffusion du message,
- Choix culturel : la compréhension non-universelle du symbole et de son histoire.
- Choix de l’objet : sa forme a suscité quelques émois ! Certains l’ont comparé à un clito-ris ou même une goutte de sang. Il est visiblement compliqué d’y voir l’intention première.
- Choix de l’origine du produit : une partie des pièces sont conçus en Chine… polémique économique et environnementale.
L’idée de départ était pourtant bonne et prometteuse, mais elle a été confrontée à la dure réalité du terrain !
Il est important de préciser que : « La sémiotique s’est toujours efforcée de ne pas négliger le contexte. […] les systèmes de signification doivent être étudiés au sein de la vie sociale »*. En d’autres termes, le contexte est une donnée impérative lorsqu’on souhaite créer un message.
(*Sources : Giulia Ceriani « Marketing moving : l’approche sémiotique »)
Les Phryges : un symbole incompris ?
Elles remplissent des fonctions, c’est en tout cas le rôle qu’elles doivent jouer. Elles sont crées dans un but bien précis avec une durée de vie conditionnée par l’événement. Leur mission, selon les créateurs : faire bouger la France !
Fonction de représentation ? oui, un symbole français, connu et intégré dans notre quotidien et notre histoire.
MAIS : la difficulté tient peut-être à l’objet en lui-même.
Réflexion : Le bonnet remplit toutes ses fonctions lorsqu’il est porté. Dans le cas précis, il prend vie, devient un personnage avec des membres, des yeux… Finalement, le bonnet phrygien tant reconnaissable au départ par sa forme spécifique, perd de son sens dans ce nouveau rôle. Cela peut expliquer les interprétations qui ont pu en être faites, très éloignées du sens initial.
Fonction explicative ? Oui, en tant qu’objet lié à un événement sportif.
Ces mascottes prennent vie dans un contexte particulier, celui des Jeux Olympiques. Elles portent le logo Paris 2024 et sont chaussées de baskets tout en agitant le drapeau français. L’une d’elle est spécifiquement liée aux Jeux paralympiques. Leur nom : « les Phryges », reste une information de second plan qui les dessert plus qu’elle ne les valorise.
Fonction symbolique ? Oui et non, la compréhension est plutôt approximative.
Les réactions évoquées plus haut sont les résultantes d’une incompréhension : le message que l’on souhaite véhiculer et ce qui est perçu.
Pour aller plus loin sur le sujet de l’identité nationale, on peut se tourner vers l’ouvrage proposé par Raphaël LLorca « Le roman national des marques. ». Il cite notamment Marcel Gauchet « Comprendre le malheur français » qui explique ceci « C’est par rapport à l’extérieur qu’il faut mesurer la singularité qui vous fait ce que vous êtes ». Raphaël LLorca précise « … la mondialisation provoque un « choc identitaire », qui reconfigure en profondeur la façon dont les nations se pensent et se présentent à elles-mêmes. »
D’où provient cette dissonance ?
Parce qu’il s’agit bien d’une dissonance dans le sens où ceux qui ont créé ces mascottes n’ont pas envisagé ou prévu ces réactions. Cela n’engage que moi, mais l’aspect « international » n’a pas été suffisamment pris en compte dans la réflexion. La fonction représentative a pris le pas sur les autres, créant une forme de déséquilibre…
Le focus a été fait sur le pays accueillant et non le public invité, soit, le reste du monde.
Quelles conséquences pour nos mascottes ?
La polémique est passée, d’autres sujets sont venus lui voler la vedette, et vous en conviendrez, il y a bien plus grave.
Est-ce que cette mascotte saura séduire au point d’être commercialisée comme cela était prévu ? Saura-t-elle trouver son public ? Pourra-t-elle surmonter ce faux-départ ?
Les créateurs des mascottes ont réalisé un site Internet entièrement dédié au projet. Tout y est expliqué avec beaucoup de pédagogie dans un univers rassurant et moderne ; à l’image de ce logo qui possède une typographie rétro, l’une des tendances du moment.
Et pour conclure, nous laisserons la parole au « père » de ces mascottes !
“Si les gens y voient un clitoris et s’ils savent reconnaître un clitoris, tant mieux pour eux. Non, c’est très bien, on est ravis. Enfin moi, je suis ravi.” Joachim Roncin, directeur du design de Paris 2024 pour Brut.
Si la symbolique des objets vous intéresse, je vous invite à lire un article plus ancien sur la symbolique du cadenas.
(Visuels extraits du site officiel paris2024.org)